Le Moi-peau
- Popi Oreo
- 27 août 2024
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 20 mars
Le Moi-peau, Didier Anzieu
La peau est équivoque, comme l’inconscient : perméable et imperméable, superficielle et profonde, véridique et trompeuse, génératrice et squameuse. Entre soi et l’autre, elle appelle des pulsions autant narcissiques que sexuelles. Siège du plaisir et de la douleur. Solide et fragile. Elle est objet ou espace transitionnel. Noyau fantasmatique archaïque, le premier organe des sens, elle est surinvestie par les patients ayant souffert de privations précoces. Les grattages et autres affections de la peau semblent être une forme de retournement de l’agressivité sur le corps à un stade bien antérieur à l’instauration du Surmoi.
In utéro, le peau à peau est déjà le plus important des espaces contenu-contenant, puis le bébé recherchera le contact de la peau du sein sur sa bouche et sa main. S’il y a défaillance du maternage au moment de cette première phase de la vie, depuis l’ère fœtale jusqu’aux premiers mois, il risque d’y avoir par la suite une autoagressivité.
Pour Bowlby, la pulsion d’agrippement et d’attachement qui en résulte est bien antérieure au stade oral freudien.Comme tous les petits mammifères, la hantise du bébé humain est celle du “décampronnement”, Bion évoquant au sujet de sa survenue une “terreur sans nom”.
Ainsi la peur de tomber, le vertige, le besoin de fourrer son nez, son visage, ses mains dans la fourrure d’un animal comme le cheval, le chien ou le chat, le besoin de toucher les cheveux d’une femme ou le torse velu d’un homme, de le respirer, tout cela renvoie à cette première pulsion d’aggripement qui forme les différents types d’attachement. Le doudou, l’ours en peluche, tout ça va dans le même sens.
Winnicott a également défini avec ses concepts de handling et de holding cette nécessité de portage et manière de s’occuper du bébé pour le rassurer, le contenir par le toucher, le regard, la voix (bain de parole) enveloppante.
L’eczéma :
Il serait une façon d’attirer l’attention sur soi, sur la peau en tant qu’elle n’a pas pu rencontrer de contacts doux, chauds, rassurants, protecteurs au plus jeune âge. L’eczéma généralisé traduit une régression à l’état de complète dépendance de l’infans, “une conversion somatique de l’angoisse d’effondrement psychique, l’appel muet et désespéré à un Moi auxiliaire fournissant un appui total. L’eczéma d’enfants de moins de deux ans signerait le manque de contacts physiques tendres et enveloppants de la part de la mère”.
Spitz : s’agit-il d’une réaction de défense ou d’une tentative d’adaptation au milieu hostile car cet eczéma peut être soit une demande adressée à la figure maternante (homme ou femme, en fonction de qui joue le rôle maternant) pour l’inciter à le toucher plus souvent (par des soins, crèmes etc), soit un mode d’isolement narcissique en ce que l’enfant, par l’eczéma, se procure lui même les stimuli que le parent lui refuse. Impossible de savoir.
Anzieu crée le concept de Moi-peau :
Il trouve son étayage sur les diverses fonctions de la peau : sac qui contient et retient le bon et le plein que l’allaitement, les soins, le bain de parole y ont accumulé. La peau est aussi l’interface, la barrière, qui protège du dehors, de la pénétration avide et agressive des autres ou des objets. Enfin, la peau, comme la bouche, est un moyen de communication, c’est une surface d’inscription des traces (Exemple la scarification ou les tatouages).
De cette origine épidermique, le Moi hérite la double possibilité d’établir des barrières (les mécanismes de défense) et de filtrer les échanges (avec le Ça, le Surmoi et le monde extérieur).

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